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Ames sensibles, s’abstenir…

 

Je devine déjà certaines échines sur le point de frémir, certaines nuques au bord du raidissement cadavérique, certains regards en passe de perdre leur flamme, interdits, gagnés par un vague et pernicieux malaise, je devine certains spectateurs à deux doigts de faire un pas en arrière devant cette peinture sans concessions, cette peinture vraie devant laquelle ceux qui parlent trop se trouvent soudain sans voix. Ah oui, la peinture de Jörg Hermlé n’a pas le goût des bonbons acidulés, des douceurs chocolatées et autres sucreries, mieux vaut avoir l’estomac solide pour s’en tailler une tranche, cette peinture en vérité se déguste loin des rires et des insouciances. Elle n’a pas vocation à singer le bouquet de fleurs ou le paysage bucolique, à vous en faire accroire sur la vie et ses petits bonheurs, non, cette peinture vous immerge en un monde troublant, une société au cœur de laquelle les êtres semblent accablés, atones, vaguement inquiets, et surtout sans aucun pouvoir contre le cours des choses et du temps qui les immobilise en de molles postures. Rien de standardisé dans cette peinture qui vous balance quelques vérités tout en s’acharnant à être plastiquement irréprochable.

Voyez ces gens, ces hommes et ces femmes parfois si proches de l’animal, du monstre, du cadavre. Que se cache-t-il derrière chaque visage ? Quelle part de solitude, quel part d’hébétement, de sordide se blottit derrière les lourdes paupières ? Oui, cette peinture peut troubler et même rebuter au premier coup d’œil certaines âmes peu habituées ou peu enclines à considérer le monde depuis d’autres points de vue. C’est au fond toute l’efficacité de la figuration de Jörg Hermlé ; des enjeux majeurs se jouent dans ses tableaux ; la vie, la mort, les conventions sociales, la solitude, l’habitude, le destin. L’atmosphère qui s’en dégage avec les oppositions de formes et de couleurs, les personnages représentés, est si forte qu’on ne saurait se débarrasser d’une toile d’un simple coup d’œil. Le regard tourne de droite à gauche, de haut en bas, à la recherche du détail jusque là inaperçu, se délecte de pouvoir vivre quelques instants dans un univers où l’humour et le sarcasme tourbillonnent. Une fois qu’on a goûté à ce voyage dont la truculence ne devrait échapper à personne, bien des œuvres paraissent fades et sans objet…

 

L.D

 

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