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Comment douter au regard de cette peinture de la capacité indéniable de tout artiste à ressentir, plus que tout autre, plus intensément, plus précisément que tout autre, les soubresauts, les discrets séismes qui fissurent notre société ? L’artiste, le vrai, l’authentique artiste, sans cesse prend le pouls de son époque, connait de l’homme tous les tourments, les espoirs et les fantasmes, subodore ce que la vie, et les règles qui nous régissent, nous réservent.

En résulte ainsi chez Stepk un art qui pourra paraître « torturé », qui fera même fuir, les pauvres, ceux qui ne conçoivent pas de regarder en face les réalités terribles de notre époque, ni celles du drame humain qui se joue tous les jours sous leurs yeux, ou qui ne supportent les œuvres d’art que si elles sont parées de couleurs chatoyantes et n’expriment de la vie que la part joyeuse et insouciante. Stepk n’a cure de ces empressements à se voiler la face, de ceux qui voudraient limiter l’Art à des œuvres gaies et surtout pas sérieuses. J’ai entendu l’autre jour un collectionneur soupirer que la vie est bien assez difficile comme cela pour mettre sur nos murs des tableaux austères, sombres et déprimants… Ah bien oui, alors surtout ne lisons plus Victor Hugo ou Céline, et précipitons nous sur les textes de Marc Lévy, la vie paraîtra, n’est-ce pas ?, plus douce…

Stepk nous envoie en pleine face des visages, des « gueules d’ange » ainsi qu’ils les nomment malicieusement, des émanations christiques ravagées par quelque souffrance intérieure, par de sourdes angoisses, par un mal-être dont on ne sait l’origine. En une peinture expressionniste qui ne prend pas de gant, ne cherche pas à plaire, Stepk pénètre au cœur de l’humain. S’il poursuit ce faisant une quête mystique, notamment dans ses toutes dernières œuvres, il ne cesse de chercher plastiquement à donner à la représentation une intensité peu commune. Le dessin est puissant et joue des oppositions de tons, tout en s’astreignant à donner à l’ensemble un aspect monochrome, dépouillé, presque nu.

C’est aussi et surtout une réinvention du monde qui transparait dans cette peinture, une réappropriation par l’artiste de scènes bibliques ou tout simplement de l’homme seul face à sa destinée. On ne peut y demeurer insensible tant la composition, les couleurs employées, le trait démultiplié, tout concourt à conférer au tableau une présence presque magique, dont on ne peut se détourner, hypnotique.

 

Exposition visible à l’Espal (Le Mans-72) jusqu’au 30 juin 2011.

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