Vladimir Velickovic

 

« J’ai toujours peint ce que l’homme est capable de faire à l’homme »

 

 

Dans le quotidien de nos petites vies bien rangées où le pouvoir de s’émouvoir s’émousse au fil d’images télévisées toutes plus tragiques les unes que les autres, la peinture ne paraît pas en mesure de renverser la tendance, de nous offrir une nouvelle virginité, de nous « ré-ouvrir » les yeux, de nous forcer à regarder la réalité en face, de combattre ce qu’il faut combattre. Rude épreuve dès lors pour un peintre de relever tel défi… Velickovic s’y emploie pourtant, et son combat ne date pas d’aujourd’hui. Ses tableaux en mettent plein la vue, avec violence et constance, avec opiniâtreté pour tout dire. Face à un tableau de Velickovic, on se retrouve face à ses responsabilités, face à ses angoisses aussi… Des cadavres, des corps écorchés, des hordes de corbeaux, des potences, le feu, le sang… « Quelle connerie la guerre / Qu’es-tu devenue maintenant / Sous cette pluie de fer / De feu d’acier de sang » écrit Prévert, et ces vers résonnent étrangement au cœur de l’œuvre de Velickovic. Nous voici au cœur de la nuit. Au cœur du souvenir aussi. Entendez les bruits de bottes, les coups de canon, les crépitements des mitraillettes, les cris, les aboiements, les coups de crosse, les crépitements du feu, le silence après l’horreur. Oui, bien entendu, on n’aime pas bien toucher cette réalité là du doigt. On cherche à s’éclipser, à échapper à ce poids dont on n’ignore pas l’ombre sur nos vies. Mais est-ce qu’on peut décemment éviter toute sa vie de se regarder dans un miroir ?

Vélickovic nous insuffle à travers sa peinture la haine de la guerre, la haine de ces landes désolées par le fracas des armes, de ces corps sans vie torturés par la brutalité des bourreaux. Et dans le même temps, il nous force à l’espoir, ravive en nous l’étincelle de joie, presque malgré nous ; il a fallu lutter et il faudra lutter encore contre la folie des hommes, mais après la mort revient la vie, profitons de ce répit, respirons quelques instants, arc-boutés sur nos propres terreurs mais vivants. Cette œuvre n’est pas fataliste ni misérabiliste, elle est dure, elle est lucide, libre à vous de détourner le regard, mais on ne combat pas le mal en le niant, on ne goûte bien la vie qu’en ayant approché la mort.

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