Voici le film réalisé par le magazine Miroir de l'Art sur le travail d'Anne Bothuon.

L'an dernier, à l'occasion du n°79 dudit mag, j'avais écrit ces quelques lignes :

C’est une mise à nu. Au sens littéral du terme. L’humain sans fard et sans atours, dans le dépouillement total. Avec sa peau, son unique bien en ce monde, pour seul vêtement. Rien qui puisse nous le dissimuler. Voici l’humain une fois qu’il ôte les attributs de sa condition. Le voici sans défense, fragile, vulnérable, et si proche, si intensément semblable. « Comme une Parque, à force de points, de nœuds, de brides, de reprises, explique-t-elle, je fais apparaître un corps, pas un corps en gloire, mais un corps commun à tous avec ses défauts et ses petites imperfections… » 


Anne Bothuon aurait pu choisir le marbre, à l’instar d’un Michel-Ange, ou le bronze, comme Marc Petit. Elle a choisi la tarlatane, cette matière douce et soyeuse qui, par sa texture et son aspect, donne à ses personnages une présence troublante. Un indéniable magnétisme se dégage de ces « chairs » ouatées. Le fil et l’aiguille ont créé ici de toutes pièces une humanité fragile et singulière. Face à ses êtres rendus à l’innocence des premiers âges, nous voici soudain devant le miroir de nos émotions. 


La confrontation dérange parfois, et j’en connais qui sont moins choqués par les nus du Bernin, en marbre, que par ceux d’Anne Bothuon. Soit. La matière, les fils qui la traversent, les dessins qui courent sur cette peau cotonneuse, concourent à insuffler aux personnages une inattendue réalité. Le « bout de chiffon » devient un être frémissant de vérité. Et puis le regard vous transperce de toute la force de sa candeur et de son ingénuité. Un regard pur, perdu dans une rêverie sans fin, qui vous traverse sans vous voir.

 
Ce qui emporte l’adhésion du plus grand nombre, c’est l’incroyable douceur qui se dégage de ces êtres réalisés à taille humaine. Nulle brutalité dans le geste, nulle violence. On comprend mieux en les observant pourquoi Anne Bothuon a remporté l’an dernier le Challenge Egrégore, dont la thématique portait sur le « bonheur ». Ses personnages sont les reflets de nos âmes d’enfant. Ils n’ont d’autre inquiétude que celle de continuer à vivre aux côtés des leurs, dans la confiance et la sérénité. Ils expriment une vision apaisée de ce que pourraient être les rapports humains, en ce bas monde, si nos peurs et nos démons ne prenaient trop souvent le pas sur notre conduite… En cela, Anne Bothuon est effectivement une artiste du bonheur, du bonheur simple, et en ces temps obscurs où le réel marque de son empreinte sombre la plupart des travaux des artistes contemporains, cet engagement mérite crédit. 

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