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Retour de Troyes, après avoir assisté à une projection du film « Renoir » qui sera sur les écrans le 2 janvier. Ce film, mis en scène par Gilles Bourdos, à qui l’on doit notamment l’étrange « Et après » avec Romain Duris, se focalise sur les dernières années de Renoir, à Cagnes-sur-Mer. Une première impression à chaud ? Michel Bouquet, qui incarne Renoir, mérite un César. Il « est » Renoir sans aucun doute possible et porte le film, par ailleurs admirablement servi par Christa Théret (LOL), dont la… plastique ne peut laisser personne indifférent, et Vincent Rottiers, excellent dans « A l’ origine », film avec François Cluzet (le personnage principal y berne son monde et parvient à construire une autoroute sans aucune autorisation).

Sur l’écran, ce sont les années douloureuses de Renoir qui sont mises en exergue : il vient de perdre sa femme, Aline, vingt ans plus jeune que lui, ses deux grands fils ont été blessés grièvement (nous sommes en 1915), il est perclus de polyarthrite et se déplace dans un fauteuil roulant. Un film sur Renoir, il n’y en avait bizarrement pas eu, et Gilles Bourdos se tire plutôt bien de l’exercice, réussissant à plonger le spectateur dans l’atmosphère surannée du début du XXème siècle, dans l’intimité d’un créateur mythique. Il faut souligner au passage l’époustouflante qualité de la photographie sur ce long métrage.

Retour de Troyes, parce qu’à trente kilomètres environ, se trouve Essoyes, lieu de villégiature du peintre chaque été (village de sa femme). J’ai eu l’occasion d’y visiter la maison de la famille Renoir, qui vient d’être acquise par la commune, ainsi que l’atelier de Renoir, et surtout, l’Espace Renoir, sympathique petit musée qui retrace le parcours de l’illustre artiste.

Vous me direz : et le rapport avec la peinture contemporaine dans tout ça ? Eh bien, la démarche de Renoir fait encore sens aujourd’hui : cette volonté de continuer à peindre contre vents et marées, cette incroyable opiniâtreté qui l’a habitée toute sa vie (il peignait tous les jours), mais surtout cette détermination à ne peindre que la beauté, cette détermination à ne pas voir apparaître sur la toile ce qui est morbide ou triste. Il dit ainsi « Il y a assez de choses laides et embêtantes dans la vie pour que nous n’en fabriquions pas encore d’autres... ».

Voilà une démarche qui doit interroger le créateur d’aujourd’hui, parfois trop enclin à verser dans le mélo, le pathos, et autres petits travers de notre époque. Voilà qui rejoint des discussions déjà publiées sur ce blog. Peindre la joie de vivre, les courbes des femmes, en fermant les yeux sur les turpitudes du monde, ou peindre la noirceur des jours, en oubliant que la lumière donne des couleurs à nos vies. Difficile dilemme. Peut-être faut-il sortir de ce schéma et poser autrement le débat ? Arguer par exemple, comme nous essayons de le prouver dans Miroir de l’Art, de ce que la beauté se niche partout… Pour revenir à Renoir et à ses contemporains, doit-on ignorer sous prétexte de beauté les toiles magnifiques de Gromaire sur la guerre des tranchées ? Telle palette colorée plutôt que telle autre, beaucoup plus sombre ? Bref, le film de Gilles Bourdos permet de replacer la peinture de Renoir dans son contexte et en définitive de la justifier. Un hymne à la création en quelque sorte.

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